Chouchen, un nom complexe pour cette boisson bretonne
Chouchen, un nom complexe pour cette boisson bretonne
Le chouchen est l’une des boissons bretonnes les plus célèbres en France et à l’étranger, mais derrière l’usage de ce mot, des débats de puristes font rage.
Publié le 24 novembre 2019, mis à jour le 11 novembre 2025 - Samuel Duransseau
Le chouchen est sans aucun doute l’une des boissons bretonnes les plus célèbres en France et à l’étranger, mais derrière l’usage de ce mot, des débats de puristes font rage.
Quelle composition pour le chouchen ?
La seule certitude à propos de chouchen est de l’on parle d’une boisson alcoolisée à base de miel produite en Bretagne.
C’est à propos du substrat qui accompagne le miel que les visions divergent. Quatre substrats sont alors cités : l’eau, le moût de pomme, le jus de pomme, le cidre.
Selon les cas, chacun de ces substrats est envisageable, mais certains d’entre eux ne peuvent se suffire à eux-mêmes pour obtenir la fermentation nécessaire à toute boisson alcoolique. Il est alors nécessaire d’ajouter un troisième ingrédient : des levures.
Chouchen (également écrit “chouchenn”) serait donc une simple traduction bretonne du mot hydromel.
De nos jours, cette composition est la plus constatée pour les différents chouchens commercialisés en Bretagne.
Chouchen à base de moût de pomme
Le moût de pomme est obtenu directement à la sortie du pressoir et, à la différence du jus de pomme, n’a pas été pasteurisé et contient donc des levures naturelles.
Un mélange de moût de pomme et de miel peut donc fermenter naturellement et devenir au bout de quelques mois une boisson alcoolisée.
Le breuvage obtenu a la particularité de ne pas laisser au seul miel la responsabilité du goût sucré et offre en plus un arrière goût de pomme dont l’hydromel moderne est dénué.
Quelques témoignages à propos de ce mode de conception existent, ce qui permet aujourd’hui de créer une dualité entre les producteurs qui réalisent de l’hydromel à l’eau et ceux qui produisent une boisson à davantage d’ingrédients complexes.
Chouchen à base de jus de pomme
Cette option semble être le plus sujet à double interprétation des différentes compositions listées. Naturellement on pense à jus de pomme lorsqu’on parle de la solution obtenue du pressage de pommes, mais il serait alors plus correcte de parler de moût. D’un point de vue commercial, le jus de pomme est du moût de pomme que l’on a pasteurisé après sa mise en bouteille dans le but de détruire les germes pathogènes.
Pour la conception de chouchen, utiliser du jus de pomme qui a subit une pasteurisation s’avèrerait donc peu logique car il nécessiterait l’ajout de nouvelles levures à un substrat qui en contenait naturellement avant sa pasteurisation.
Lorsque l’on parle de chouchen à base de jus de pomme, il est donc plus probable que l’on parle de moût de pomme et d’une fermentation obtenue grâce aux levures naturellement contenues dans le fruit.
Chouchen à base de cidre
Le cidre est l’une des boissons les plus ancestrales de Bretagne.
Comment ne pas imaginer que les bretons aient été tentés d’utiliser ce breuvage dans des compositions originales ?
Bien que le cidre ait déjà connu une première fermentation pour devenir alcoolisé et pétillant, son titrage alcoolique reste relativement peu élevé. Cela signifie que des levures sont encore présentes (en particulier avec du cidre doux) et peuvent produire une nouvelle fermentation si l’on relance un processus avec du miel avant sa pasteurisation.
Généralement il est admis que dans certaines provinces de Bretagne, cette boisson porte le nom de chufere (et d’autres variantes orthographiques).
Extrait de la Revue de Bretagne, de Vendée & d’Anjou – 1875
Aujourd’hui qu’est-ce qui peut s’appeler chouchen ?
C’est l’une des questions épineuses à propos de ce mot. Aucune appellation officielle (telle qu’une IG, IGP, AOC, AOP) avec un cahier de charge précis n’existe pour cette boisson.
On doit donc se référer aux (peu) de témoignages laissés par les personnes qui en produisaient dans le passé. C’est une tâche très complexe. On parle en effet d’une boisson millénaire, qui était produite par de nombreuses personnes, dans des régions (comprendre les différentes régions bretonnes) variées et qui en plus parlaient différentes langues (breton ou gallo). En bref, il existe aujourd’hui de rares sources qui restituent des indications parfois contradictoires et qui empêchent d’avoir un positionnement incontestable sur l’usage du mot chouchen.
La solution la plus simple serait d’acter que le chouchen est de l’hydromel. En effet, de nombreuses sources accordent cette traduction au mot chouchen, et à de nombreux autres terminologies d’ailleurs.
Quand on consulte le dictionnaire de breton-français de Gérard Cornillet publié en 2017 et qui agrège les termes de pas moins de seize sources, le mot “hydromel” a pas moins de neuf terminologies : bochad, chouchenn, chufere, dour-mel, dourvel, mez, pikenaodenn, sistr-mel, souchenn.
Extrait du dictionnaire breton-français de Gérard Cornillet – 2017
C’est là qu’est le piège. En regardant plus en détail chacun de ces mots, on peut conclure que ce qui est assimilable à de l’hydromel à cette époque n’est pas comparable à notre usage de ce terme aujourd’hui.
Alors qu’il existe à présent un texte de loi qui encadre très précisément l’utilisation du terme hydromel, cela n’était pas le cas dans le passé.
Le simple fait que le mot sistr-mel renvoie à la définition d’hydromel, alors que le mot sistr s’apparente à la traduction de cidre permet de douter que l’eau ait été le seul substrat utilisé dans ce qui était assimilé à de l’hydromel à l’époque.
Le seul élément incontestable est la présence de miel dans la boisson et que celle-ci ait connue un processus de fermentation pour devenir une substance alcoolisée.
⚠️
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.
Le chouchen ne bénéficie pas d’une appellation à proprement parler. Les producteurs adaptent la recette selon leurs préférences. L’ingrédient commun : le miel
Historiquement, le chouchen arrive en Armorique avec les Celtes. « Chouchen » en français ou « Chouchenn » en breton, c'est la traduction du mot « hydromel »